65 - Premier suivi médical de trois mois
27 octobre 2022
J’avais très hâte de revoir Dr Aoude et de faire le point sur mes progrès.
Comme l’histoire se répète sans cesse, c’est à 5h que Jo V se pointe chez moi pour notre voyage désormais routinier vers le CUSM. On m’y attend à 8h pour un scan.
L’horizon est enveloppé d’une robe automnale noire à l’image de la saison; sur la 417, je pense que les arbres dont la vision est embrouillée ne reconnaissent pas ce matin. Pourtant…
Il est si tôt, impossible d’arrêter chez McDo pour le « pipi mi-parcours » habituel; seul le service à l’auto est réveillé. Il faudra aller frapper chez son voisin « Timmy » qui semble avoir un œil ouvert. 😊
Arrivée au CUSM, mon nom est appelé rapidement pour le scan pulmonaire. Je ne m’étais vraiment pas ennuyée de la « tite-jaquette ». Inélégante, voire hideuse, elle remplit tout de même bien son rôle de cacher mon postérieur au monde entier. En définitive, toute vérité n’est pas bonne à voir... 😉
Puis vient le premier examen avec Dr Cury, mon radio-oncologue. L’attente se fait un peu longue, mais Jo et moi avons commencé un jeu qui nous donne l’air de gamines attardées dans la salle d’attente. Ce qui ne nous change pas de notre air habituel quoi! (hihi)
Sur les écrans des salles d’attente apparaissent le nom des patients et le numéro de la pièce où ils sont appelés. Par souci de protection des renseignements personnels, seul le prénom apparaît au complet, le nom de famille se présente sous forme de deux lettres et des étoiles. Pour moi, ce serait donc ST******.
Jo et moi compétitionnons à savoir laquelle peut deviner un nom de famille le plus rapidement. Mais voilà, le nom d’un Sylvain apparaît à l’écran et je lance un nom de famille qui semble être le bon, le monsieur se tourne rapidement vers moi le regard en point d’interrogation. Dans notre délicatesse silencieuse (not!), Jo et moi éclatons de rire faisant preuve de notre âge mental peu édifiant du moment. Je miserais sur 7 ans peut-être 8.
Vient finalement mon tour. Je doute que quelqu’un puisse deviner St-Gelais à partir de ST, mais qui sait? J’offrirai un verre au gagnant!
Dr Cury me reçoit avec son immuable délicatesse. Les questions d’usage sont suivies d’un examen de la cicatrice. Dr Cury se dit très impressionné des résultats après trois mois, précisant que la cicatrice est beaucoup mieux que ce à quoi il s’attendait. Normalement, elle aurait été plus rouge et la peau plus sèche. Ce n’est pas le cas. Son énoncé me réjouit vivement. On se revoit donc dans trois mois.
Je rejoins ensuite Dr Aoude à l’étage supérieur. Jo et moi continuons notre jeu d’enfants espiègles dans la salle d’attente, mais nous tentons de nous faire plus discrètes (il se pourrait que ce soit peine perdue…) 😉
Dr Aoude m’accueille en m’annonçant d’emblée que le scan est parfait. Quel soulagement! Je lui montre le travail d’artiste qu’il a accompli avec la cicatrice qui devient de plus en plus belle chaque jour. Je surprends son œil satisfait. Dr Aoude n’a pas eu besoin des plasticiens, seuls ses doigts de fée ont fait ce travail de maître digne des peintres célèbres. Les gens commentent d’ailleurs souvent sur la « beauté » de la cicatrice. Je me sens particulièrement privilégiée. Lorsque je suis debout, ma jambe présente tout de même une légère indentation, mais je maintiens que c’est un bien petit prix à payer pour bénéficier du résultat final.
Chaque cicatrice a son histoire; une histoire profonde physique et mentale. Que ce soit une histoire de bobo ou de survie, qu’on ait 5 ans ou 50 ans; une histoire qui marque, qui change la vie ou qui dévie la trajectoire. Que de secrets ont à raconter les cicatrices de nos corps! Ces « blessures de guerre » qui font de nous des mutilés, des rescapés ou les deux. Ne sous-estimez jamais le pouvoir d’une cicatrice. Qu’elle ait un pouvoir tranchant ou apaisant, une cicatrice est porteuse d’une charge électrisante entre le cœur et l’âme; entre la vision et l’action. Une cicatrice, c’est aussi un rappel de notre vulnérabilité, de notre précarité et de notre fragilité. Il faut en écouter attentivement tous les récits, avec détermination certes, mais aussi avec humilité.
Souriant, Dr Aoude me lance que je suis « a cancer survivor ». J'apprécie profondément ses encouragements, mais je n’aime pas ce terme. Je ne suis pas une survivante, je suis juste une bonne vieille « tête de cochon ». Comme Marie-Élaine Thibert le dit dans sa chanson « That’s it, that’s all » [1]:
C’est ça la détermination, avoir un but « pis y aller drett’ comme une barre ».
Une fois la cicatrice examinée, j’explique au Dr Aoude que j’ai toujours une sensation d’étau. C’est comme si deux mains serraient en permanence mon genou. Il m’explique que cette sensation ne vient pas uniquement de la chirurgie, mais aussi de la radiothérapie et de la fibrose musculaire qui s’installe dans les tissus cicatrisés. Je n’avais jamais entendu parler de fibrose musculaire :
des mouvements. Elle apparaît à la suite d’un traumatisme (entorse, déchirure musculaire, hématome, plaie, immobilisation), de perte de mobilité (arthrose) ou de troubles posturaux. L’objectif fonctionnel consiste à combattre l’épaississement et la mobilité des tissus fibrosés pour obtenir une régularité des capacités dans le temps. »[2] [3]
Heureusement, la sensation de brûlure ou d’hyper sensitivité de la peau est presque disparue. Elle était le résultat de toutes les terminaisons nerveuses coupées ou touchées durant l’opération.
Dr Aoude m’explique que la majorité de ces sensations devraient disparaître d’ici un an, mais il est possible que certaines demeurent. J’en prends bonne note en espérant pour le mieux.
Merci Dr Aoude, on se revoit dans trois mois pour un autre scan et un autre examen.
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