43 - Jour C pour chirurgie
Mercredi 6 juillet - Jour C pour chirurgie
Dépouillée de mes bijoux, piercings, maquillage, vernis, crème, et tout, et tout, c’est à 7 h 30 que je prends la route avec Christine et Danielle, direction Montréal. Il me semble que je devrais être nerveuse, mais aucun papillon stomacal à l’horizon. Leur envolée est peut-être prévue pour plus tard, je n’en sais rien, les lépidoptères n’ont pas jugé bon de me communiquer leur horaire.
Le Service des admissions m’avait demandé d’être sur place à 11 h pour une chirurgie à 13 h. Il va sans dire que je suis à jeun depuis la veille. Si les papillons n’ont pas élu domicile dans mon ventre, la famine, elle, s’y est bien installée et vous connaissez déjà mon état d’esprit en situation de jeûne. Je mangerais mes bas! Mais ça tombe mal, je n’en porte pas…😏
C’est finalement à 10 h que notre petit trio arrive à l’Hôpital général de Montréal. Quelques minutes à peine suffiront pour qu’à son tour Michel se pointe la binette. Michel a décidé de passer la journée avec moi à l’hôpital. Sans succès, j’ai essayé de le convaincre d’attendre chez lui les résultats, ce sera après tout une très longue journée.
Bisous et câlins d’au revoir, mes copines reprennent immédiatement la route pour Gatineau. Quel dévouement! Merci les filles. 💖
Bon! Let’s go, c’est ici que ça commence,
direction Service d’admission. Michel m’accompagne au 10e étage
où on m’enguirlande d’un bracelet d’hôpital et d’une étiquette pour mon petit
bagage.
On m’indique alors que la chirurgie sera à 14 h et qu’elle durera deux heures, ensuite je passerai un autre deux heures dans la salle de réveil. Je tente une fois de plus de convaincre Michel d’aller attendre patiemment chez lui, il y serait tellement plus confortable. Il me décroche un sourire rieur auquel s’ajoute une pointe de détermination qui ressemble drôlement à la mienne, je sais alors que c’est peine perdue. Je n’insiste pas. Il sait que j’apprécie sa présence.
Prochaine étape : salle d’attente et la fameuse « tite-jaquette ».
Il n’y a probablement pas d’expression plus clichée que : le monde est petit. Et bien, devinez quoi? Le monde est « p’tit en titi ». Un couple attend avec nous dans la salle d’attente, madame lit, monsieur regarde son téléphone. Michel engage la conversation sur le repêchage du Canadien de Montréal. Il semble avoir visé juste, le monsieur est très intéressé. Carey Price reviendra-t-il? Il coûte cher, on en doute. Ignare du hockey, je m’abstiens et laisse ces dépisteurs d’étage gérer la conversation.
S’ensuivent les échanges d’usage, vous venez d’où? Gatineau. C’est vrai? Tu parles! De fil en aiguille, il appert que M. et Mme Carle sont presque mes voisins, quelques rues nous séparent à peine. Dans la catégorie coïncidence, c’est quand même étonnant.
Arrive 14 h, non seulement nous ne sommes pas appelées – ni madame, ni moi - mais on nous demande de changer de salle d’attente et d’étage. Celle-ci ferme pour la journée, ah bon! On se retrouve au 7e où je dis bonne chance à Mme Carle qui vient d’être appelée. On m’annonce que ma chirurgie aura maintenant lieu à 15 h. À cette heure-ci, mon estomac a compris qu’il ne sert à rien de rugir, le frigo est fermé pour la journée et mon cerveau est conditionné à ce mode attente depuis le réveil, on va survivre.
L’horloge sonne les 15 h et avec elle, mon heure de départ. Mon conducteur de limousine (lire civière) m’invite à prendre place sur ce lit roulant qui me mènera en salle d’opération. Bisous à Michel, c’est parti.
Salut gang, on se revoit dans deux heures et quelques… Souhaitez-moi bonne chance et bons rêves.
Je perds le fil des étages, mais je me retrouve dans le corridor qui mène à la salle « d’op ». On me stationne du côté gauche du corridor dont l’étroitesse surprend compte tenu de la taille des pièces d’équipement qui défilent à mes côtés. Infirmières, préposés, techniciens et docteurs vont et viennent à grands pas dans ce passage dont la petitesse ne semble incommoder personne. Au contraire, je note l’immense bonne humeur du personnel qui rigole, me salue au passage, me fait des « high-five » à l’occasion. C’est cool. Il y a même cet infirmier qui commence à danser à quelques pas de moi. Comme j’aimerais me joindre à cette danse improvisée… mais le moment n’est pas tout à fait opportun, c’est le moins qu’on puisse dire. J’en arrive à me demander si on m’a « parkée » à la bonne place, mais mon questionnement se dissipe immédiatement à la vue de Dr Aoude qui s’approche.
Oh loy loy! Mais il arrive d’où Dr Aoude? Sa chemise verte de chirurgien est trempée. Je devine qu’il vient de terminer une chirurgie ou alors il sort d’une piscine. Je mise sur l’option A. Dr Aoude m’accueille en me disant de ne pas m’inquiéter, tout va bien aller. Je réalise du coup que les papillons n’ont toujours pas pris leur envol dans mon estomac. Je suis d’un calme et d’une sérénité qui m’étonnent moi-même.
Dr Aoude dessine une banane bleue[1] sur ma jambe, là où son scalpel performera l’incision. Il m’explique les détails de l’intervention et précise que la chirurgie durera de trois à quatre heures. Zut! Pas moyen de communiquer avec Michel pour ne pas qu’il s’inquiète, d’autant plus que le temps a passé dans mon stationnement bancal, il est maintenant près de 16 h. Dr Aoude disparaît pour aller organiser sa salle d’op.
Dans le corridor, l’anesthésiste, qui dégage l’autorité de sa profession, m’explique ensuite que deux choix s’offrent à moi : l’épidurale ou l’anesthésie générale. Bien que la préférence du chirurgien soit l’épidurale pour atténuer la douleur et faciliter la guérison, elle insiste sur le fait que le choix m’appartient. C’est une longue opération pour une épidurale, dit-elle, mais moi, je me réjouis à l’idée de voir ce qui se passe. Elle suggère une combinaison d’épidurale et d’anesthésie qui faciliterait l’opération. Je confirme mon choix pour l’épidurale.
On entre enfin dans la salle d’op. Mon infirmier danseur est celui qui m’assiste avec l’injection dorsale de l’épidurale. Décidément, les lépidoptères doivent voyager dans le sud, parce qu’ils ne sont pas présents non plus dans cette salle d’opération. Je suis d’un calme olympien. C’est d’autant plus étrange qu’une simple visite annuelle chez ma docteure de famille fait normalement grimper ma pression de 120 à 130 en criant ciseaux. J’ai l’impression d’avoir tellement conditionné mon cerveau au fait que Gaspard, cet intrus, ne fait pas partie de moi que j’ai fini par paralyser mes émotions. Étrange, mais tant mieux.
Sur le bidule jaune qui administre le liquide magique, je vois un mot qui me fait sursauter : fentanyl! J’appelle l’infirmière, non, non, non, je ne veux pas de ça dans moi. J’ai vu les reportages à la télé, pas question de créer une dépendance ici aujourd’hui. Elle se moque un peu de ma réaction en m’expliquant qu’on ne développe pas de dépendance quand on en prend pour soulager la douleur. C’est lorsqu’on en prend sans avoir de douleur qu’on devient « accro ». Hum… j’ai quand même un doute.
Cette appréhension ne dure pas longtemps puisque je tombe dans les bras de Morphée sans même m’en rendre compte. L’anesthésiste aura décidé de ne pas faire de moi une spectatrice. C’est dans la salle de réveil que je me retrouve donc à 18 h 30. L’opération aura finalement duré environ deux heures. Bravo Dr Aoude!
Mindy, l’infirmière dévouée qui m’accueille, vérifie mes signes vitaux, s’assure que mon réveil est solide, je ne dois pas retomber dans les vapes, mais ça va. Elle est bien réveillée la madame. Est-ce que vous avez faim? On pourrait dire, oui! J’ai droit à un Ensure au chocolat qui me replace un peu l’estomac.
Mindy appelle Michel pour le mettre à jour, mais mon ami n’a pas bien compris les instructions. Il retontit en catimini dans la salle de réveil avec de la bouffe pour moi, mais malheureusement, il n’a pas le droit d’y être. L’appel se voulait un appel de courtoisie pour lui faire part de ma condition. Mais il ne faudrait pas connaître Michel pour savoir que ce dernier n’a aucune intention de quitter la pièce. S’ensuit une petite anicroche anodine avec une infirmière qui le trouve peut-être un peu intimidant, mais qui abdique quand je lui confirme que les intentions de Michel sont bonnes et qu’il ne restera pas.
Pas facile le travail d’infirmière! Je les entends essayer de réveiller mes voisins de palier dont je suis séparée par un petit rideau de chaque côté. [2]
À ma droite :
Infirmière : Réveillez-vous Marcel, restez avec moi!
Allez Marcel! Il faut se réveiller maintenant.
Non, non, ne vous rendormez pas, il faut vous réveiller!
(Elle lui brasse doucement les épaules).
Marcel, quel mois sommes-nous?
Marcel : Mars?
Infirmière : Mais non Marcel, ce n’est pas mars, nous sommes en juillet.
Non, non, restez avec moi Marcel…
À ma gauche :
Infirmière : Réveillez monsieur!
Monsieur : La planète est malade…
Infirmière : Pardon?
Moi : Oh boy! Il n’est pas sorti du bois lui, l’infirmière non plus d’ailleurs.
Je suis de nature moqueuse, mon seul défaut bien sûr!... (Ya right! hihi) Mais cette terrible moqueuse que je suis rigole un peu (sans méchanceté bien sûr). Ouf! Quelle patience ces infirmières!
Je devais rester dans la salle de réveil deux heures, mais ce n’est que quatre heures plus tard, soit à 22 h 30, que Garry, mon conducteur de limousine médicale, me raccompagne au « penthouse » du 18e étage. Initialement, je devais être au 14e, mais je soupçonne un autre petit miracle signé Dr Aoude.
Étendue sur la civière, une pancarte d’accueil attire mon regard : Réhabilitation améliorée après chirurgie! De la musique à mes oreilles. Au matin, je verrai aussi cette œuvre d’art d’un membre du personnel qui décrit bien l’étage : 18 Strong! Oui, moi j’embarque dans cette équipe!
Bien que d’une petitesse étonnante, c’est une chambre privée qui m’attend et j’en remercie vivement ma bonne étoile. La grandeur de la chambre, on s’en fout, mais sa quiétude n’a pas de prix.
Les assistants de Panoramix[3] remettent en place les cathéters, quatre en tout, et installent le bidule jaune et sa potion magique. On me demande d’évaluer ma douleur sur une échelle de 10. Présentement, c’est un 7-8. Donna, mon infirmière de nuit, augmente les millilitres de l’épidurale, elle précise que la douleur doit être à 0, c’est important dit-elle pour la convalescence. Il faudra très peu de temps en fait pour que ma jambe soit effectivement indolore. J’en suis agréablement surprise et considère acheter le bidule jaune pour la maison… hihi On revérifie mes signes vitaux, ma pression est basse (106), mais on me dit que c’est normal avec l’épidurale, puis on me prépare pour la nuit.
Ma chambre est privée, certes, mais elle n’est pas étanche aux bruits de mes compagnons d’étage et aux sons tonitruants des machines de chacun.
Le monsieur d’en face s’époumone et racle sa vie avec une véhémence gutturale. Celui de devant écoute la télé qui émet un chuchotement en sourdine qui perturbe mon sommeil. Je n’arrive pas à en faire abstraction. Puis, il y a des beep et encore des beep!
Mes propres machines[4] s’étouffent à l’occasion avec des beep, beep, beep saccadés accompagnés d’une lumière rouge, ou encore les beep, rebeep, beep, rebeep lancinants qui réveillent la lumière bleue. Je dois appeler l’infirmière à quelques reprises. Elle replace les tubes, les vide d’air et les rebranche…. jusqu’au prochain beep!
Ce sommeil intermittent ne procure aucun repos, mais vous devinez que c’est au moment précis où je m’assoupis que l’infirmière vient me réveiller pour une prise de sang…. Oh well! Je tenterai un petit somme dans la journée.😴
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