35 - Quand la technologie fascine...
Mardi 14 juin – Évaluation globale
Ce matin, c’est à l’Hôpital général de Montréal que je dois me rendre pour rencontrer l’équipe d’évaluation de la préadaptation. Première impression : ce n’est assurément pas le CUSM. Bien que l’établissement soit pourvu d’équipement à la fine pointe et d’un personnel compétent, il appert que c’est un édifice d’une autre époque; on n’y reconnaît peu la modernité du CUSM.
Coordonnatrice du programme, la charmante Rashami m’accompagne dans les premières étapes de ce qui sera une longue journée.
Outre les
sempiternelles questions d’usage (non, je n’ai pas le diabète…), on établit
avec Rashami certains points de référence (benchmark) par rapport à où je suis en matière de santé physique, générale et mentale,
ainsi que mes objectifs, à savoir où je souhaite être à la fin du
programme. Viennent ensuite une série
d’exercices qui seront évalués, mais avant, Rashami m’invite à monter sur un
appareil qui mesurera mes composantes corporelles.
De tout temps, la technologie m’a toujours fascinée. Toute petite, et même encore aujourd’hui, je n’ai jamais compris que du son puisse sortir d’un disque de vinyle[1] qu’on dépose sur une table tournante munie d’une aiguille de lecture. D’où le son vient-il vraiment?... Oui, oui, je sais… des haut-parleurs 😄, mais sérieusement, comment l’aiguille parcourant la circonférence de cette mince galette de plastique transforme-t-elle ses rayons en son?
Même dilemme à l’époque où j’étais bénévole pour les Jeux du Québec, je ne comprenais pas le fonctionnement des bélinographes, et ne le comprends toujours pas d’ailleurs. Ahhh, mais peut-être ne connaissez-vous pas les bélinographes[2]? Ancêtre du télécopieur, ce vieil appareil était conçu d’un cylindre sur lequel on déposait une feuille avec des renseignements à transmettre et, à l’aide du cornet d’un ancien téléphone à cadran branché sur l’appareil, l’information s’imprimait sur une machine similaire à destination. Comment des chiffres, des lettres et des photos pouvaient-ils passer par le biais d’un cornet de téléphone et d’un cylindre « photographique », transmettant l’information qui s’imprimait ailleurs dans le monde? « Fascinant » comme dirait CharlesTisseyre[3], animateur de l’émission Découverte.
Aujourd’hui c’est un appareil médical qui titillera ma fascination. Rashami me demande d’enlever souliers, bas et bijoux, puis de prendre place sur cette plateforme SECA[4].
À GO, je dois en serrer les poignées très fort une minute à peine. Rien de plus, rien de moins. Un imperceptible courant électrique passe à travers le corps et mesure diverses résistances musculaires et autres.
Que sort-il de l’imprimante? Un rapport détaillé sur ma composition corporelle.
On y lit entre autres ma masse musculaire, mon pourcentage de gras (pas que je voulais le savoir… hihi), mon pourcentage d’eau, mon indice de masse corporelle (BMI) et grand nombre de données utiles à l’établissement de mon programme de préadaptation.
Alors si je comprends bien, un petit squeeze des poignées et mes pieds reposant tout simplement sur deux plaques métalliques ont transmis des données à l’encéphale électronique de l’appareil permettant d’évaluer tout ça. Allez savoir…
Rashami précise que bien que ma masse musculaire soit dans les normales, l’équipe voudra sûrement accroître ce pourcentage pour pallier à la perte de masse musculaire qui surviendra avec la chirurgie.
On passe ensuite aux tests physiques. D’abord, debout-assis, debout-assis, debout-assis sur une chaise pendant 30 secondes. « Ce test permet d'évaluer la force et la fonction musculaire des membres inférieurs. »[5]
Tiens donc ! Rashami me demande ensuite de reprendre le test de marche de 6 minutes sur 20m, mais ses instructions sont différentes de celles de Jennifer. Je dois marcher à ma vitesse maximum, mais sans courir. Je dois contourner les cônes qui délimitent la distance de 20 m. Si j’accroche les cônes ou si je m’enfarge dans les « fleurs du tapis », je devrai reprendre du début.
Ready! Set! Go! Je m’élance sur cette piste de course qui n’en est pas une. Rashami se transforme en chronomètre verbal : 5 minutes, 4 minutes, 3 minutes, 2 minutes, 1 minute, terminé!
On entre dans son bureau pour évaluer ma performance. Sur une échelle de 100 %, je dois être au minimum à 60 %. Résultat : 110%... Je pouffe de rire, je viens de concrétiser la fameuse expression : « donner son 110% ».😂
Après les tests physiques, je rencontre un docteur en anesthésie qui évalue ma santé globale, revoit ma liste de médicaments et vérifie que ma condition me permettra de bien réagir à l’anesthésie générale requise pour l’opération. Tout semble en ordre.
Prochaine
étape : la nutritionniste. C’est
Jade qui m’accueille avec son étudiante. Elle a déjà évalué la diète de cinq jours que
je lui avais fait parvenir. Tout ce que
j’ai ingurgité durant cette période de cinq jours y est consigné
méticuleusement; 55 g de protéines représentent ma consommation moyenne
quotidienne. Jade aimerait que
j’augmente cette moyenne à 80 g pour favoriser la masse musculaire. Initialement, cela me semble peu, mais en y
repensant, je réalise que c’est presque 50 % de plus! Jade partage
quelques trucs et m’offre des échantillons de boissons protéinées qui m’amèneront
sans trop d’efforts à l’objectif souhaité.
Une rencontre qui se veut aussi
riche en calories éducatives pour nourrir mon esprit cartésien, n’ayant jamais
eu la chance de travailler avec une nutritionniste auparavant.💡
Je passe ensuite dans une autre pièce pour rencontrer Charles, un étudiant en physiothérapie, avec son professeur DJ. Je profite de l’occasion pour leur demander quelle est la différence entre leur protocole de recherche, mené par le Dr Franco Carli, et celui de Dre Mayo pour lequel je travaille avec Jennifer. Perplexes, ils n’ont aucune idée de quoi je parle.
Humm, ça, c’est étrange et ça ne me rassure pas. Ces équipes ne travaillent-elles pas de concert à la guérison des sarcomes? Je n’ai aucun problème à faire partie de deux protocoles différents, mais j’aimerais bien m’assurer qu’ils ne vont pas à l’encontre l’un de l’autre. On m’invite à vérifier avec l’autre équipe.
J’éprouve un certain malaise, n’est-ce pas aux deux équipes à vérifier entre elles? Les chercheurs connaissent les modalités de leur protocole respectif, on me posera sûrement des questions pour lesquelles je n’ai pas de réponse. Enfin, on verra…
Entretemps, Charles me demande quels sont les exercices qui m’ont été donnés par Jennifer. Petite démo à l’appui, Charles comprend que nous mettons présentement l’emphase sur les jambes, il propose donc de cibler le haut du corps. Ce sont six exercices[6] aux nombres de sets et de répétitions variés que je dois reprendre aux deux jours. Je m’exécute sur place, Charles corrige ma posture au besoin.
J’aurai passé au total plus de quatre heures à Montréal. La fatigue s’est installée physiquement et mentalement. Il n’y a pas assez de tiroirs dans mon cerveau pour ranger toute l’information reçue. Il faut tout de même que je reprenne la route. Ça fait exprès, je suis seule aujourd’hui. J’aurais bien apprécié me faire reconduire, mais ce sera pour une autre fois. Allez Jo! Il faut se botter les « foufounes », ton attention soutenue est requise sur la 417 Ouest.
Heureusement, aujourd’hui, les nuages savent mieux que d’essayer de me narguer. Le ciel s’est habillé d’une immense nappe bleue paisible. D’ailleurs, existe-t-il une couleur Pantone®[7] "bleu paisible"? Sinon, on devrait l’inventer, c’est magnifique.
Les nuages blancs floconneux se tiennent par la main dans une immense farandole au-dessus de ma tête. Impossible de dire précisément s’ils rient ou s’ils chantent. Quoi qu’il en soit, ils accompagneront mes pensées sur un trajet que je souhaiterais tellement plus court. En revanche, leur sourire d’une brillance lumineuse égayera ce qu’il reste de l’après-midi.
Une certitude… le sommeil ne tardera pas à venir ce soir.
Commentaires
Enregistrer un commentaire