10 - Le couperet est tombé...
Lundi 2 mai – Le couperet est tombé… et avec lui, le deuil d’un hématome qui n’a en fait jamais vu le jour. Dommage, il avait déjà un nom : Scarlet!
Dr Aoude décrit le sarcome comme étant de haut grade, c’est donc dire que les cellules cancéreuses sont très actives.
Les cancers de haut grade sont formés de cellules dont l’apparence est très différente de celle des cellules normales et leur disposition diffère aussi. Ils ont tendance à se développer rapidement et sont plus susceptibles de se propager. (https://cancer.ca/fr/cancer-information/what-is-cancer/stage-and-grade/grading)
Bizarre quand même, j’ai l’impression de toujours gagner les concours pour lesquels je n’ai pas participé… 😏
Il m’explique que la radiothérapie permettra de freiner la croissance de la tumeur – à bas les tentacules de Gaspard – et avec un peu de chance d’en réduire la taille, bien qu’il soit impossible de l’irradier complètement avec la radiothérapie.
Dr Aoude réitère qu’il s’agit d’une tumeur de taille et qu’au-delà de ses 6 cm de diamètre, il devra couper dans le muscle. Ce sont 10 cm qui disparaîtront de ma jambe. Ouch! C’est un gros morceau ça! ↴
Dr Aoude explique aussi que ses marges de manœuvre seront étroites autour du périoste et tout près des vaisseaux importants, mais il travaillera avec les tissus autour. ↴
Ceci dit, il est confiant. Dr Aoude me dit qu’il en fait beaucoup et son taux de réussite est élevé. Ça, c’est ce que je veux entendre, il peut se vanter tant qu’il veut, c’est la bonne nouvelle de la journée.
En fait, ma mauvaise nouvelle s’accompagne de plusieurs bonnes nouvelles :
- La meilleure nouvelle, c’est que les poumons et les os ne sont pas affectés. Ce highjack de genou aurait pris une tournure frisant la catastrophe, n’eût été cette bonne nouvelle.
- Par ailleurs, tout indique que je serai éligible pour un protocole de recherche où la radiothérapie porte sur 5 jours (en alternance aux deux jours). Normalement, la radiothérapie c’est 5 jours/semaine pendant 5 semaines. Je suis épuisée juste à y penser. Les résultats de la recherche jusqu’ici indiquent qu’ils obtiennent des résultats similaires avec les deux types de protocoles. Humm… 5 semaines ou 5 jours, let me think!
- Deux types de protocoles existent pour la radiothérapie : avant ou après la chirurgie. Dr Aoude m’explique que dans mon cas, il est préférable d’avoir la radiothérapie avant. Ce sera mieux pour cibler la tumeur et le pourtour. Cela donnera aussi de meilleurs résultats fonctionnels. La radiothérapie devrait d’ailleurs commencer assez rapidement, ensuite il faudra laisser une période de 4 à 6 semaines où la radiothérapie continuera d’effectuer sa magie, puis ce sera l’opération. Mon compte à rebours mental m’indique que si les planètes s’alignent bien, la chirurgie devrait avoir lieu en juin ou début juillet.
- Aussi, la radiothérapie étant différente de la chimiothérapie, je ne perdrai pas mes cheveux; la coquette que je suis sourit. De plus, comme la tumeur est très localisée, je ne devrais pas souffrir de vomissements (ce qui pourrait être un effet secondaire si la tumeur était dans la poitrine ou l’estomac).
Ce qui nous amène à une autre bonne nouvelle, la préadaptation.
Tout le monde est familier avec la réadaptation physique, mais McGill est le seul hôpital au Canada à offrir la préadaptation, il s’agit là d’un autre de leurs nombreux protocoles de recherche.
La préadaptation peut être définie comme le processus de soins préalables à l’intervention qui permet d’améliorer l’état physique, nutritionnel, médical et mental des patients afin de se préparer à l’agression chirurgicale et de faciliter le retour aux conditions d’avant l’opération. Le programme de préadaptation est réalisable et aide les patients à augmenter leur capacité fonctionnelle avant l’intervention, ce qui abrège la période de récupération et accélère le retour aux conditions préopératoires. (https://www.mcgill.ca/peri-op-program/fr/patients/quest-ce-que-la-preadaptation)
Dr Aoude m’indique aussi que je ferai partie d’un autre protocole de recherche pour les pansements. Contente de pouvoir contribuer à la recherche; j’espère secrètement que la recherche me le rendra sous forme de bonne santé.
Michel pose la question que je ne veux pas entendre : quelles sont les probabilités de récidive? La tumeur pourrait revenir au même endroit ou ailleurs, voire se transformer en métastases. Les probabilités de récidives sont de 10 %. Catégorie : statistique plate d’une histoire plate!
Il pourrait aussi y avoir des risques de fracture de l’os fragilisé par la radiothérapie. Dr Aoude précise que je serai suivie pendant 10 ans. J’allais écrire catégorie : idem, mais je devrais plutôt être reconnaissante de ce suivi rigoureux. Mais 10 ans quand même… j’ai le temps de mourir d’autre chose.
Dr Aoude me dit que je rencontrerai le radio-oncologue dans les prochaines minutes, mais avant de me laisser je retiens deux phrases importantes : On peut guérir de ça! Je ne suis pas inquiet du côté fonctionnel. De la musique à mes oreilles.
L’adjointe de recherche me rejoint ensuite, on me demande de remplir un questionnaire qui permettra d’évaluer ma santé mentale (good luck with this… 😄)
Dans la salle d’attente, pendant que Michel et moi attendons patiemment le radio-oncologue, le trampoline vient de se déployer tous azimuts dans mon cerveau… le sarcome, la radiothérapie, la chirurgie, le travail, le voyagement, la convalescence, le risque de récidive, les idées rebondissent à souhait. Oubliez le Cirque du Soleil, le show se passe dans ma tête.
Entre deux saltos cérébraux arrière, on m’annonce que Dr Fabio Cury[2] est prêt à nous recevoir.
Son adjointe, Dr Assu vient d’abord aux renseignements; questions d’usage et partage d’information de base.
- Les traitements sont indolores.
- Ils dureront de 20 à 30 minutes environ.
- La radiation ne brûle pas, mais elle cause de l’inflammation, comme un coup de soleil en surface.
- Et la phrase la plus importante : « The idea is to cure, not just control. » – Je vote en faveur. ✅
Dr Cury se joint à nous, simple et sympathique, j’apprécie sa personnalité comme celle de Dr Aoude. De toute évidence, c’est une belle équipe. Je suis privilégiée.
Dr Cury répète que le but c’est d’éliminer la tumeur. La radiothérapie aide aussi contre les récidives. Il m’explique ensuite la différence entre le protocole de 5 semaines vs 5 jours.
Le protocole standard revient à administrer 2 Gy (prononcé « gray » - cette unité représente des joules/kilogramme) pendant 25 séances sur 5 semaines pour un total de 50 Gy. Dans le protocole de 5 jours, on administrera 7 Gy par jour, pour un total de 35 Gy. Dr Cury me rappelle que les résultats jusqu’ici démontrent des résultats similaires, sans compter que cela réduit la durée d’attente considérablement avant la chirurgie. Yeah! Où dois-je signer?
Il explique ensuite qu’il faudra un autre scan, mais celui-ci sera pour effectuer une simulation.
Ainsi, dans le coin droit, l’adversaire Gaspard sera mesuré dans les moindres détails. Dr Cury me rassure ensuite que si je devais mettre un terme temporaire à la radiothérapie pour des raisons hors de mon contrôle, il n’y a pas d’inquiétude, l’effet de la radiation continuera d’opérer. Dans le coin gauche, la pugiliste[3] JoAnne, qui sautille déjà dans le ring, attendra maintenant leur appel.
Michel propose d’aller à la cafétéria faire un debrief. Je veux bien, mais il faudrait que je debrief mon cerveau d’abord et les neurones acrobatiques ont repris leur place sur le trampoline.
Michel commence à proposer (cette proposition reviendra souvent par la suite) que je m’installe à Montréal pour la durée des traitements et de la chirurgie. Présentement, ce n’est pas mon intention. Je préfère être dans mes choses, dormir dans mon lit, et câliner mes chats. Je vois le confort de mon foyer au cœur de ma convalescence et de ma positivité. Tant que faire se peut, je ferai la navette Gatineau-Ottawa.
Je reprends la route. J’ai le cœur lourd… pas à cause du sarcome, même si ça m’écœure au pluriel d’avoir le cancer, NON, c’est que maintenant, il faut que je le dise… à la famille, aux amis, aux collègues. F@&#$! F@&#$! F@&#$!
Je n’ai pas envie de voir la peine, la peur, le malaise; je n’en ai pas envie, c’est tout. Je ne fais pas pitié et je ne suis pas une victime, mais c’est inévitablement ce que je lirai sur leur visage – sans émettre un seul son, leurs yeux traduiront leur pensée : le cancer = la mort. Non, je n’en ai vraiment pas envie. Pourtant, il le faudra bien, même si ça m’horripile au plus haut point. F@&#$! F@&#$! F@&#$!
Pour moi, le cancer ce n’est pas la mort, c’est un défi. Et les gens qui me connaissent savent que face aux défis, je dis : Bring it on! And watch me! La colère monte en moi, I am not SAD, I am MAD! I am frigging MAD. Et devinez ce que je vais faire avec cette colère?! Gaspard attache ta tuque, you won’t know what hit you!!
[1] https://www.animalwised.com/how-to-stop-my-cat-from-biting-my-ankles-2581.html
[2] https://www.mcgill.ca/oncology/fabio-cury
[3] https://www.shutterstock.com/fr/video/clip-1047423334-lightning-empty-boxing-ring-before-fight-camera
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