38 - Journée clé avant la chirurgie
Lundi 20 juin – Journée clé avant la chirurgie
C’est encore une longue journée qui défile devant moi. Elle prend vie à 8 h 15 à l’Hôpital général de Montréal où quelqu’un apprête le lit d’acier qui m’attend pour le MRI. Le rendez-vous étant très tôt, Michel m’avait à nouveau hébergée la veille. J’espérais dormir un peu plus tard, puisque je devais être à jeun pendant quatre heures avant l’examen. Le jeûne… éternel calvaire pour moi. Mais peine perdue, mes yeux ont accueilli le lever du soleil vers les 5 h. J’ai entendu Michel se déplaçant discrètement en préparant le café, l’odeur riche et envoûtante de la mouture a torturé mon cerveau et mon estomac.
C’est peut-être moi qui suis de mauvais poil ce matin, mais je trouve les instructions et l’attitude de la technicienne bien abruptes. Respire Jo! C’est très tôt pour elle aussi.
Je me couche sur ce grabat métallique avant d’être avalée par Jaws[1], mais je suis morte de froid. La pièce est glaciale; voire sibérienne, comme l’ambiance d’ailleurs. La petite couverture qu’on étend sur mon corps n’offre ni chaleur, ni réconfort. Les frissons me parcourent de la tête au pied. C’est long 45 minutes dans un congélateur, c’est très long. Comme j’aimerais être au CUSM présentement, même le ciment y est chaleureux.
Décidément, c’est sûrement mon humeur de dogue, mais je trouve le son du MRI infernal cette fois. J’ai l’impression que 150 décibels[2] tapochent mes tampons à grand coup de masse, malgré les bouchons qu’on m’a donnés. C’est long 45 minutes dans un tambour à percussion, c’est très long.
Je n’avais pas dit que les MRI m’endormaient moi? En tout cas, pas ce matin! Les minutes s’égrènent à la vitesse tortue et le lapin que je suis veut sortir de là au plus sacrant.
Enfin fini! Le temps de me rhabiller et de rejoindre Michel qui attend patiemment dans la salle d’attente, il est 9 h 55 et je dois me rendre très rapidement au CUSM pour 10 h 10. J’y rencontrerai le Dr Turcotte[3]; Dr Aoude étant en chirurgie.
Perpétuelle saison des cônes orange à Montréal, je suis la voiture de Michel qui tente de nous trouver un chemin rapide, mais les rues clés sont barrées, gracieuseté de la construction du moment. On arrive de justesse, on s’invente des stationnements dans ce parc déjà complet. 10 h 15, fiou… cinq minutes de retard seulement.
Comme de raison, je me suis énervé le poil des jambes pour rien. Dr Turcotte accuse un retard dans ses rendez-vous. 10 h 30, Michel doit malheureusement quitter, il prend la route pour Toronto. Dommage, j’aurais apprécié ses questions complémentaires aux miennes avec le Dr Turcotte, mais je comprends la journée qui l’attend aussi. Merci Michel. 💖
11 h 30, on m’appelle enfin. Pendant que j’attends l’arrivée de Dr Turcotte, Dr Cury se pointe dans la porte. Quel homme avenant! Je devais le voir à 13 h, mais il a vu que j’étais enregistrée dans le système, alors il est venu à ma rencontre dans la salle d’examen. Il tâte et examine la plaie dont la rougeur s’est atténuée, il prend quelques photos, il est content des résultats. Prochain rendez-vous : après la chirurgie.
Il est presque midi lorsque Dr Turcotte se joint à moi. Ensemble, on regarde la photo du MRI. Dr Turcotte m’explique que la tumeur n’a pas beaucoup diminué, il ne semble ni surpris ni déçu. Il précise que la sensation que j’ai que sa taille est réduite vient du fait que la tumeur s’est amollie avec la radiothérapie, elle s’est en quelque sorte « liquéfiée ». On discute de la chirurgie et du temps de réadaptation.
À la question : la chirurgie aura bien lieu au CUSM, n’est-ce pas? Déception totale! Non, l’opération aura lieu à l’Hôpital général de Montréal, c’est là que réside le Département d’orthopédie. Zut, de zut, de zut! Je n’aime pas cet hôpital, mais ce n’est pas comme si j’avais le choix.
Dr Turcotte tente de me rassurer, l’établissement fait partie du CUSM, ce sont les mêmes chirurgiens et ils ont une excellente infirmière sur place. Ouain… je suis déçue quand même.
Dr Turcotte ajoute qu’il veut que je passe un scan pour les poumons avant mon départ aujourd’hui. La demande est entrée immédiatement dans le système. Puis il m’amène rencontrer Nadine, la coordonnatrice de la recherche, afin de m’inscrire dans un autre protocole pour après la chirurgie. Son équipe fait une étude sur les fréquences des suivis (aux trois mois vs six mois), ainsi que sur les appareils pour vérifier les poumons (radiologie vs scan). Intéressant! Je ferai partie d’un des quatre groupes cibles. J’ai ma préférence, bien sûr, mais ce choix s’établira de façon aléatoire. Je me croise les doigts.
J’arrive au 4e étage pour le scan. Le jeune homme au comptoir m’annonce que je suis au mauvais hôpital! Non, non, non! Je sais que je suis à la bonne place, on vient de m’y envoyer. Le jeune insiste, je dois aller à l’Hôpital général pour un MRI. Mais non voyons! J’ai passé ce MRI à 8 h 30 ce matin. Aurais-tu la gentillesse de regarder attentivement dans ton ordi? Dr Turcotte a envoyé la demande il y a cinq minutes. Tu peux l’appeler au besoin. Je poirote 10 minutes devant lui, les gens derrière moi s’impatientent, ils ne sont pas les seuls... Finalement : Ah! J’ai trouvé. Moi : alléluia!
Heureusement, la bonne humeur du technicien me réconcilie avec le moment. Merci monsieur.
Mon nom et ma date de naissance (chhutt, c’est un secret) apparaissent au-dessus de la machine. L’aspirateur de fer inhale mon corps une fois de plus. Je retiens mon souffle, puis expire doucement en suivant rigoureusement les instructions du technicien qui joue les photographes pulmonaires. Dieu merci, je n’ai pas froid et le son n’est pas envahissant. Allez hop! C’est fini.
Il est passé 13 h, une délicieuse pointe de pizza de la cafétéria du CUSM me permettra d’éviter une mort certaine par inanition (hihi). Les gens qui me connaissent bien savent pertinemment que quand j’ai faim, la terre arrête de tourner… et là, je suis à jeun depuis 18 heures.
La 417 Ouest, son asphalte, ses arbres, son ciel et ses cumulus me ramènent tranquillement à la maison. J’ai hâte d’y être et de câliner mes chats.
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